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Travail sur l'expression écrite (1)

Jusque là, j'étais agréablement surprise par l'engouement de ma fille pour l'écriture. En effet, elle possède plusieurs petits carnets pour y noter toutes sortes de choses : un pour les chansons, un pour les histoires qu'elle aime inventer, un pour ses idées diverses et variées. Ses écrits sont toujours très riches en vocabulaire, ses personnages et paysages toujours très étoffés, ses descriptions très détaillées. Je me disais : "chouette, voilà un point où elle pourra exceller!"

C'était sans compter les expressions écrites imposées, avec consigne précise à respecter... Je me suis retrouvé avec une production bien pauvre, quelques lignes qui avaient l'air d'avoir été bâclées. Était-ce un problème d'envie ? un problème de consigne ? de manque d'idées ? de méthodologie ? ou était-ce dû à la dyslexie ? Pas simple, pas facile de juger! Pour ne pas me tromper, j'en ai discuté avec l'orthophoniste qui a confirmé mes soupçons : c'est un peu de tout ça mélangé ! J'ai donc décidé de mettre en place une méthodologie adaptée, un avantage quand on fait l'école à la maison.

 

Il fallait d'abord lui faire prendre conscience de la "pauvreté" de son texte, sans rabaisser le travail qui avait été fait. Une semaine après son premier essai de production écrite, je lui ai demandé de me refaire l'exercice, mais sans reprendre ce qu'elle avait fait auparavant, simplement à l'oral (pour lui laisser libre court à son imagination, la feuille et le crayon étant comme des obstacles, des empêcheurs de penser). Je lui ai dit que j'allais prendre des notes de mon côté sur ce qu'elle me disait. Voici les deux expressions produites:

(une semaine avant, seule face à sa feuille):

Consigne : écrire la suite de l'histoire. (il s'agissait d'un texte se déroulant à la préhistoire. Les adultes avaient décidé d'envoyer les enfants à la chasse au mammouth. Les enfants, sous la direction de Petit-Minus, avaient creusé un piège qu'ils avaient ensuite recouvert de feuilles.)

Une heure plus tard, le mammouth s'approcha. Petit-Minus était content. Quand le mammouth tomba, les enfants s'approchèrent, Petit-Minus lui planta sa lance dans son cœur. En arrivant à la caverne, les enfants étaient fatigués. Fin.

(une semaine après, à l'oral; moi, notant sur un brouillon):

Les enfants ont attendu. Petit-Minus a entendu du bruit. Il leur a dit: "Chut!"

Tout le monde avait peur, à part Petit-Minus. Il était tout joyeux! 

Le mammouth s'approcha et tomba dans le trou. Petit-Minus lui planta sa lance dans le cœur. Tous les enfants étaient contents. Ils prirent le mammouth, l'ont porté tous ensemble et allèrent à la caverne. Arrivés à la caverne, ils mangèrent le mammouth. Les grands étaient contents et ont dit: "C'est bien, nous sommes en vacances!" Petit-Minus, qui était fatigué, a demandé: "Comment ça?" 

Un des grands a répondu :"Vous irez maintenant à la chasse à notre place!"


Après ce passage à l'oral, j'ai repris sa production d'après mes notes et lui ai demandé de confirmer ou de corriger s'il y avait des erreurs. Ensuite, je lui ai demandé de lire sa première production, écrite, et de me dire ce qu'elle pensait des deux expressions. Son verdict était très clair : la deuxième tentative était sans conteste la meilleure car "elle est plus détaillée et elle finit vraiment l'histoire!" 

Je lui ai alors expliqué le rôle du brouillon, et l'importance d'en faire un. Je lui ai également suggéré de d'abord travailler sous forme de notes, comme je l'avais fait, puis de reprendre ses idées et de rédiger. Je lui ai également proposé de travailler d'abord l'histoire dans sa tête et de noter ensuite ses phrases, l'une après l'autre, en faisant une pause entre chaque phrase. Enfin, je lui ai dit de relire son brouillon, régulièrement, pour voir si elle n'avait pas oublié une idée, un détail sur un personnage, sur le paysage... (remarque : nous n'en sommes pas encore à une relecture de la langue, pour corriger la grammaire, l'orthographe, etc. Pour l'instant, nous faisons cette étape ensemble. Chaque chose en son temps !)

Les enfants dyslexiques ont des soucis avec les consignes : pour les comprendre d'abord, et les respecter ensuite, surtout en production de l'écrit. Cet exercice fait appel à différentes compétences : linguistique, référentielle, discursive, cognitive. D'autre part, l'enfant doit chercher dans ses connaissances stockées dans sa mémoire à long terme, il doit organiser, planifier ses idées, les mettre en mots (quasiment de la traduction pour certains enfants). Il doit également être capable d'évaluer sa propre production pour corriger, modifier si nécessaire. Toutes ses choses s'ajoutent aux difficultés, pour un enfant dyslexique, d'orthographe, de grammaire, de conjugaison, etc. Pour peu que l'enfant manque de confiance en lui, vous imaginez son état à l'annonce d'un exercice d'expression écrite...

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